Un film expressionniste. Peu de paroles, des gestes, les gestes du quotidien qui redonnent du sens, une humanité perdue. Une reconstruction de gestes en gestes. De regard en regard. De mots en mots.
Du comique et de l’humour. Des portraits réalistes et des personnages de théâtre. Une improvisation sur le thème de l’exil et de l’aliénation.
Des regards échangés, avec ou sans amour. Des yeux sombres et tristes, implorants ou reconnaissants. Les yeux trahissent le paysage intérieur violemment façonné au contact d’un paysage extérieur loin, quelque part, ailleurs.
Des lieux, des maisons construites et abandonnées, ou détruites par la violence humaine. L’absurdité de la guerre—loin, là-bas, et ici tout près.
Un univers de couleurs à la Munch. Contrastes et demi-teintes.
Jeu des effets de lumière sur les visages. Chiaroscuro de la vie sociale, dehors et dedans.
Le quotidien des repas partagés, des courses à faire, du café offert, de la soupe donnée, du savon et de la serviette, des cigarettes partagées .
Le contact de l’eau sur la peau, de la langue du chien sur la main, de la bière sur la langue.
L’espoir des conversations téléphoniques, les attentes de nouvelles, le bonheur de la voix entendue, l’angoisse de la voix encore absente.
Les liens humains, dénoués puis renoués. Créés ou brisés. Complexité de ces liens : famille, conjugalité, amitié et amour. Liens qui unissent au pays d’origine, et liens qui rattachent au pays d’adoption. Le fruit du hasard et de la nécessité.

Des entretiens qui racontent des histoires pour révéler une histoire et l’Histoire. Quels mots pour dire l’horreur et le deuil en mots. Comment ? Pourquoi ?
Les images télévisuelles et les images de la mémoire. Quelle coïncidence ? La narration pour l’autre, pour soi. La déperdition de sens et de densité. Le verdict des services de migration. La fuite. Vers quoi ?
Des itinéraires parallèles qui finissent par se croiser, des vies qui deviennent liées. Pour le meilleur et pour le pire.
L’instinct de survie et les stratégies pour survivre (économiquement, moralement, psychologiquement)
L’inventivité nécessaire. Etre des bricoleurs, dirait Levi Strauss

Des détails (la bague, le chien, les chemises), des rêves (aller au Mexique et danser), des cauchemars (les camps de refugiés).

Une sœur retrouvée, mais un passé non recouvré.

Une fin énigmatique : trouver l’apaisement—une sorte de bonheur peut être même—dans la cigarette fumée, la caresse du chien et le simple soulagement d’être encore en vie, malgré—ou peut-être finalement à cause de— la blessure. Physique et psychologique. D’un coté et de l’autre. Espoir ou pas.