VOYAGE A TRAVERS LES PAYSAGES
JOUR 2

« Un matin de la fin du mois de mars 2007, au lever du soleil, j’effectuais des enregistrements le long de la frontière sud du parc provincial Algonquin, à environ 300 kilomètres au nord de Toronto. Je venais d’installer mon matériel sur le bas-côté d’un chemin quand, à ma grande surprise, je me suis retrouvé entouré par deux meutes de loups, l’une devant moi et l’autre derrière. »
B. Krause, Le Grand Orchestre des Animaux

On ferme les yeux.
Il y a d’abord un léger bruit de vent, qu’on devine agiter les cimes des arbres, des corbeaux, puis le hurlement, immense, envoûtant.
Tout alors s’emplit de ce cri immense, de cette longue plainte terrifiante à la fois parce qu’elle nous submerge, mais surtout parce qu’elle est, profondément, autre.

Totalement étrangère à nos articulations, à notre grammaire. Au-delà de nous, au-delà de l’humain. Loin, très loin, et intensément proche, elle vient rompre toute ordre, toute certitude.

Et lorsque, soudain, s’apaise le hurlement des loups, tout est changé.
Les sifflements des oiseaux pourtant familiers, les croassements lancinants, le vent qui reprend.
La frayeur a réveillé en nous un lointain souvenir, celui d’une nature omniprésente d’odeurs, de visions, de sons, de proies et de prédateurs.
D’autres comme nous vivants, si loin, si proches, inatteignables.
Chaque son se pare alors d’une profondeur nouvelle qu’on ne pourra plus oublier. Les cliquetis métalliques des oiseaux, l’immense souffle de l’animal invisible du vent.

Dans ce paysage immense, tellement de voix différentes qui nous projettent notre propre étrangeté, qui révèle un monde au-delà de l’espace humain.

Un paysage plongé dans le silence des bruits de l’Homme et de ses machines.
Assourdissant familier.